vendredi 19 décembre 2008

Plutôt que de rester sur le carreau, venez donc au jeu de paume !


C’est à Mérignac, près de Bordeaux, que se réunissent les joueurs de paume. Malgré une nette ressemblance avec le tennis, il ne faut pas se fier aux apparences. En effet, les deux disciplines ont chacune leurs particularités. Les balles, par exemple, ne rebondissent pas de la même manière car elles sont faites en étoffe pelotonnée entourée de feutrine. Quant aux règles, elles sont bien différentes...


Quand on parle du jeu de paume, vient à l’esprit le fameux serment, engagement d’union pris à Versailles en juin 1789 par les députés du Tiers État. Bien sûr, cet événement n’avait rien à voir avec le jeu du même nom, bien que la salle qui en fut témoin vît évoluer de vrais joueurs de paume en période apaisée.
De nos jours, cette discipline est-elle encore pratiquée ? La logique voudrait qu’elle ait tiré sa révérence, la mode l’ayant évincée pour une autre distraction. Voilà qui constituerait une réponse bien hâtive ! En effet, ce jeu, bel et bien vivant, compte encore des adeptes dont Jacques Thédié.
Installé à Saint-Georges Antignac, dans une enclave de la “Haute Saintonge”, ce retraité, ingénieur de la DDE, se rend régulièrement dans la banlieue bordelaise pour exercer son activité préférée.
Amateur de ce divertissement - comme les rois François 1er et Henri IV ! - il en parle avec une passion communicative. « Si vous ne savez rien de ce jeu, vous croyez sans doute qu’il s’effectue avec la paume de la main. Eh bien, non » précise-t-il. En effet, depuis le milieu du XVème siècle, la raquette est utilisée pour une raison d’efficacité. Plus petit qu’au tennis, son tamis est désaxé par rapport au manche.
La meilleure façon de comprendre comment se déroule un match est encore d’y assister. Rendez-vous est donc pris à Mérignac. Ce matin-là, Jacques Thédié affronte Sandrine, une jeune femme dynamique qui espère bien gagner la partie ! On les croirait sur un court classique sauf que les murs de la salle aux couleurs vives comportent des inscriptions et des chiffres qui retiennent l’attention. Une particularité surprend le visiteur : « On peut jouer avec les murs et même avec les appentis qui les prolongent ». Les deux camps, situés de part et d’autre du filet, s’appellent le dedans et le devers. Le principe est d’envoyer la balle dans le fond du devers en touchant au passage le toit au-delà du filet. Pour s’emparer du service, le lanceur doit réussir certains coups bien définis. « Si la balle touche deux fois le sol du dedans, il y a une chasse et non un point » souligne Jacques Thédié. Quand arrive le moment de jouer cette chasse, le deuxième rebond de la balle doit être plus long que la fameuse ligne de chasse. Sinon, c’est la faute...


Intéressantes, les règles demandent des explications détaillées pour qui les découvre. Au cœur de l’action, la paume est un sport subtil et terriblement physique. Les balles rebondissant peu, adresse et stratégie de placement sont nécessaires. Les échanges entre joueurs relèvent parfois du codage secret : 40-30 pour la grille en passant, chasse dernier la gagne de deux... Tout devient limpide grâce aux précisions de Jacques Thédié, intarissable sur le sujet. Détail amusant, avant chaque match, le joueur salue son adversaire de sa raquette. C’est classe !

Qui va à la chasse perd sa place

Les règles de ce jeu ont été inventées au XIIIe siècle. Autrefois, le terrain d’évolution, beaucoup plus long, n’était pas encadré par des murs. « On parlait alors de la courte paume » remarque Jacques Thédié. Ce sport connut une large popularité au XVIIe siècle où près de 300 carreaux existaient dans Paris (le sol d’un jeu de paume était autrefois constitué de carreaux).

Selon leur rang, les connaisseurs s’affrontaient dans des salles privées ou publiques. La Révolution sonna le glas de ce passe-temps, les Français ayant d’autres préoccupations que de se renvoyer la balle. D’ailleurs, au moment du fameux Serment, la salle de Versailles avait perdu sa vocation première.
Aujourd’hui, les amoureux de ce sport oublié veulent lui redonner jeunesse et vitalité. La France compte quatre grandes salles, Fontainebleau (que fit construire Louis XV en 1732), Paris, Bordeaux Mérignac et Pau depuis peu. Ces structures abritent en général des espaces réservés au squash. D’autres projets sont à l’étude, à Bayonne et Compiègne en particulier. En Angleterre, les clubs sont au nombre d’une quinzaine. Les USA et l’Australie en possèdent également.
Le nombre de joueurs de paume est d’environ deux cents à l’échelon national, chiffre qui pourrait s’étoffer avec un nouvel engouement.
« Venez nous rejoindre » déclare Jacques Thédié qui apprécie ce loisir original. Si le cœur vous en dit, une rencontre entre les clubs de Bordeaux et Pau aura lieu les 17 et 18 janvier prochains. Une bonne occasion de se familiariser avec la paume qui a laissé de nombreuses expressions dans notre vocabulaire. Parmi elles : « Qui va à la chasse perd sa place, épater la galerie ou rester sur le carreau »...


Photos 1 et 3 : M. Jacques Thédié.


Photo 2 : Un court de jeu de paume.

Photo 4 : L’organisation d’un terrain de jeu de paume.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bon article sur un jeu qui gagne a être connu !
Pour l'anecdote, Jacques Thédié a découvert la paume un peu par hasard lors d'une visite du château de Fontainebleau avec l'un de ses petits fils. Ayant lui même quelques années de Tennis derrière lui, ils ont pu s'essayer aux joies de ce sport par le biais d'une initiation proposée par le paumier.

Comme quoi, il n'y a pas d'âge pour commencer ! Et le petit fils que je suis court toujours après sa première victoire...