dimanche 24 mai 2009

Jacques Peignon : Homme libre,
il a toujours chéri la mer !
De Port Maubert à l’Antarctique…


Depuis quelques semaines, Jacques Peignon restaure le magasin de l’ancien moulin de Port Maubert, dont il ne reste que les murs. Il a des projets et ce bâtiment, corseté par la végétation jusqu’à une époque récente, devient peu à peu son port d’attache.
En effet, il a passé trente ans sur les mers, dont les plus froides, celles de l’Antarctique par exemple. Souvenirs...


Derrière les icônes de l’ordinateur, elles dorment comme des trésors. Jacques Peignon les réveille une à une, dans une sorte de rituel qu’il doit bien à l’Antarctique. Pour se prouver l’impossible, il est allé à la rencontre de cette terre longtemps restée mystérieuse. Il en a rapporté des photographies magnifiques qui illustreront un livre, à paraître en été.

Il parle avec passion et déraison de ses expéditions. Il faut être audacieux pour marcher sur « la peau du diable », expression des marins qui désigne les océans. Il en a vu des mers, des vertes et des pas sûres, des surfaces déchaînées, des miroirs apaisés. Neptune, le dieu au trident, a un fichu caractère : allié à Eole, il donne du grain à affronter !
Quand il décrit ses voyages, les yeux bleus de Jacques Peignon changent de luminosité, comme s’il voulait d’un regard larguer les amarres. Pour l’instant, il a posé son sac en Saintonge, avec Maria, sa compagne hispanique qu’il a connue à Ushuaïa.

Je serai capitaine...

Rien ne prédestinait ce Saintongeais né à Vitrezay à devenir marin. Quoique... L’estuaire, en effet, incite à l’évasion et dans le secteur, se trouvent de nombreux pêcheurs. L’eau est leur premier élément ! « Dans le marais, il y a une forte tradition de voile » souligne-t-il. A Mortagne, les chantiers Bomboal étaient spécialisés dans les voiliers de plaisance en bois.
Dès son plus jeune âge, Jacques Peignon embarque sur des bateaux comme équipier. La compétition lui plaisant, il remporte des courses et envisage de passer la vitesse supérieure. Dans les années 80, il imagine un prototype, « voilier révolutionnaire de 6,5 mètres », dont les plans sont confiés aux architectes navals Berret et Racoupeau. Le rêve devient réalité grâce à des sponsors et le bateau donne de bons résultats.


Jacques Peignon poursuit sur sa lancée. Vainqueur de la Mini-Transat (qui va de Falmouth à Antigua, avec escale aux Canaries), il est engagé par le Baron Bick sur la goélette Shenandoah, un trois mâts de 57 mètres converti en charter pour milliardaires. « Parmi les passagers, j’ai croisé pas mal de stars dont Rock Stewart » se souvient-il. L’atmosphère “jet sea“ est agréable.
Diplôme de capitaine en poche, il prend le commandement d’un nouveau voilier de 28 mètres, construit dans le cadre de la défiscalisation aux Antilles. Les Caraïbes à l’abordage !

Est-ce le mal du pays, mais Jacques Peignon revient bientôt au pays, c’est-à-dire en Charente-Maritime. Marié, père de famille, il crée une entreprise industrielle à Saintes. Une parenthèse de quatre ans...

Après son divorce, il repart sur les flots à destination d’Anse Dupuy en Guadeloupe. Il est skipper d’une goélette qui subit « une fortune de mer ». Non pas qu’elle ait été victime de “pirates“ comme en Somalie, mais d’une grave avarie : « j’ai décidé de revendre mes parts ». Il se joint à des scientifiques qui partent dans l’Antarctique, puis, comme acteur, il travaille avec une équipe de tournage vénézuelienne. Ces expériences variées lui permettent de se ressourcer et faire le point sur ce qu’il veut vraiment.

« Aller toujours plus loin »

Il a choisi. Il concevra un nouveau voilier de 15 mètres, capable d’évoluer dans des situations extrêmes et d’aller « toujours plus loin ».
L’Antarctique et la Terre Adélie se dessinent en filigrane.

Planches à dessin sous le bras, il se rend chez ses architectes rochelais préférés. Le projet les intéresse. Comme toujours, le problème concerne le financement : « ce beau rêve, je ne pouvais pas le payer. J’ai donc cherché une société pour le promouvoir et le commercialiser ».
Le premier-né à sortir des chantiers est acheté par un Norvégien. L’homme a de grands desseins qu’il abandonne pour raison de santé. Il confie alors le bateau à Jacques Peignon.

En 2002, il part pour l’Antarctique. L’occasion de tester Glory of the sea est idéale : « Avec Olivier Mesnier, un ami de la Rochelle, nous avons réalisé un record de descente vers le Sud ».
Suit une deuxième édition, en couple cette fois-ci. L’objectif est toujours l’Antarctique « en remontant au fur et à mesure que la surface gèle ».

L’itinéraire passe par la Géorgie du Sud avec ses anciennes stations baleinières. Glory of the sea se révèle une embarcation sûre dans des conditions inhospitalières : « nous avions emmené deux ans de nourriture avec nous. Par contre, en certains endroits, nous n’avions aucune possibilité de communiquer, en cas de pépin par exemple ».


La nouvelle traversée se déroule sans encombre. Renforcé, surmotorisé, le bateau possède une double coque avec injection de mousse polyuréthane.
Jacques et Maria passent huit mois dans une ambiance glacée. La jeune femme supporte les basses températures, de l’ordre de moins vingt degrés. En toile de fond, la nature leur offre des horizons d’une beauté rare et la sensation unique de plénitude avec, pour compagnons, les albatros, phoques, baleines et manchots. Un dépaysement véritable !

Protéger la nature

Durant ses traversées, Jacques Peignon a-t-il constaté le réchauffement climatique ? « Je crois qu’il est prématuré de dire que l’Antarctique fond. Certains glaciers se renforcent au contraire. Selon un accord international, ce continent est devenu un sanctuaire mondial réservé à la science. Des recherches sur l’environnement y sont régulièrement effectuées ».
Les bases militaires, quant à elles, sont désertes, mais les occupants y ont abandonné des déchets du plus mauvais aspect (batteries, gas-oil). Du côté de Mac Murdo, une mini centrale nucléaire aurait contaminé les environs : « les responsables du site disent qu’ils ont nettoyé ». Leurs propos restent évidemment à prouver. Cette réalité n’est pas sans rappeler les cimetières de sous-marins nucléaires russes qui attendent l’éternité sous un soleil attristé...

« La pollution, je l’ai constatée sur de nombreuses mers. Vers les Açores, un courant ramène toutes les poches en plastique » remarque Jacques Peignon qui lance un message aux amoureux de l’environnement : il est temps d’arrêter le gâchis...
Afin de sensibiliser le public, il prépare un livre (aux éditions Respectons la Terre) où il raconte ses trente ans de navigation et d’aventures.
Agrémenté de clichés superbes, il devrait sortir en août.


« Actuellement, je reste dans l’équipage de Charles Hedrich, le nouveau propriétaire de Glory of the sea, mais j’ai décidé de ne plus faire de longues traversées » souligne-t-il. Cela ne l’empêchera pas d’aller au Groenland dans quelques mois et de repartir, du moins il le souhaite, pour l’Antarctique.

En l’attente, il est à Port Maubert où il a acheté le magasin du vieux moulin : « je réhabilite ce bâtiment pour l’ouvrir à des associations culturelles ». Une bonne idée puisque les petits ports de l’estuaire sont pleins de charme.
À Vitrezay, le pôle nature est une bouffée d’oxygène. Non loin, Port Maubert possède un sentier piétonnier qui serpente jusqu’à la Gironde à travers les roseaux.
Jacques Peignon a décidé d’apporter sa pierre à l’édifice. Si vous passez par là, n’hésitez pas à vous arrêter : il vous parlera de ses voyages, mais il peut aussi le faire sous forme de conférences.
Avis aux amateurs !

• L'info en plus

Courageux ! La première expédition scientifique au Pôle Sud est envoyée en 1839 par les Britanniques. Elle comprend des médecins, des naturalistes et des botanistes. Le 21 janvier 1840, des explorateurs français, commandés par Dumont d’Urville plantent leur drapeau sur les terres antarctiques. Quelques jours plus tard, c’est au tour de la flotte américaine de Charles Wilkes d’y parvenir. La découverte est alors controversée. En 1841, l’explorateur James Clark Ross découvre l’île de Ross. Mercator Cooper, quant à lui, accoste en Antarctique de l’Est fin janvier 1853. La période 1895-1922 correspond à l’âge héroïque de l’exploration dans l’Antarctique, durant laquelle de nombreuses expéditions sont menées.

Un peu d’histoire : Dans l’antiquité, Aristote a parlé le premier du continent antarctique.
Au IIe siècle, l'astronome grec Ptolémée est persuadé que le continent existe, au point d'affirmer que ces terres sont habitées et cultivées, mais restent inaccessibles au reste de la Terre à cause d'une grande bande de terre infranchissable abritant des monstres.
Au XVe siècle, Bartolomeu Dias et Vasco de Gama parviennent à passer et contourner le cap de Bonne-Espérance (au sud de l'Afrique) et réfutent ainsi l'hypothèse d'un continent africain étendu jusqu'aux plus hautes latitudes sud. Néanmoins, lorsque Magellan contourne le sud du continent américain, il découvre qu'il y existe un détroit difficile à franchir, et au-delà duquel un épais manteau neigeux apparaît sous un climat très froid.
Est alors émise l'hypothèse qu'un immense continent appelé continent austral sur les planisphères de l'époque, existe et qu'il serait continu de la Terre de Feu à l'Australie…

Le plus grand désert au monde : La superficie du continent Antarctique est de 14 millions de kilomètres. 98 % de sa surface sont recouverts d’une couche de glace faisant près de 2 kilomètres d’épaisseur. Le climat y est froid, sec et venteux. En l’absence de précipitations, l’intérieur du continent est semblable à un grand désert. « Il n’y a pas de population humaine permanente et l’Antarctique n’a jamais connu de population indigène. Seuls des plantes et des animaux adaptés au froid y survivent, y compris des manchots, des phoques, des mousses, du lichen et de nombreux types d’algues » soulignent les spécialistes.

The Glory of the sea, qui est actuellement dans le port de Marans en Charente Maritime, appartient à Charles Hedrich, célèbre pour ses exploits sportifs.
En compagnie de Arnauld Tortel, un des meilleurs spécialistes français du Pôle Nord, Charles Hedrich pense pouvoir rallier le Pôle Nord à la terre Ferme du Groenland et enchaîner sur la traversée jusqu’a Thulé. Plus de 2000 km, si possible sans assistance...

Photos Olivier Mesnier et Jacques Peignon (tous droits réservés)

Photos 1, 2, 5, 6, 8, 9 : Au milieu des glaces

Photo 3 : plage du bout du monde

Photo 4 : Jacques Peignon et Maria, sa compagne, travaillent à la restauration de l’ancien moulin de Port Maubert.

Photo 7 : L'arc en ciel !

Photo 10 : Un accueil inattendu !

Photo 11 : Vers des terres inconnues

Photos 12, 13 : L'ancien magasin du moulin de Port Maubert, en cours de restauration

Photo 14 : Jacques Peignon : un Saintongeais qui aime l’aventure !

1 commentaire:

Muzietto a dit…

Merci bien pour cette très interessante page. Je suis arrivè ici en pursuivant information sur Jacques Peignon, qui a fait et publiè des photos sur les Ilots des Apotres, parmi les plus desertes iles du monde.