jeudi 6 juin 2013

Redécouverte du discoglosse d'Israël : le survivant d'un genre de batracien fossile

  
Une équipe composée de chercheurs israéliens, allemands et français (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS/Université de Poitiers) vient de publier dans la revue scientifique Nature communications les premiers résultats d'une étude pluridisciplinaire englobant des fossiles de discoglosses israéliens et des individus actuels, redécouverts récemment, de cette même espèce d'amphibien. 

Les scientifiques montrent que l'espèce de batracien connue sous le nom de « discoglosse d'Israël » est la seule survivante à ce jour d'un genre, Latonia, que l'on croyait disparu.
En 1966, le discoglosse d'Israël fut le premier amphibien à être classé dans la catégorie « espèce éteinte » par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Depuis sa découverte en 1943, l'espèce était rattachée au genre actuel Discoglossus (un genre inclus dans les Alytidae, famille dont les crapauds accoucheurs font également partie) ; elle est connue sous le nom scientifique de Discoglossus nigriventer Mendelssohn et Steinitz, 1943, « le discoglosse à ventre noir ». L'espèce n'était connue que dans la Vallée de la Houla, en Israël, et constituait le seul discoglosse de la région méditerranéenne orientale.
Les autres discoglosses actuels ne sont présents qu'en Méditerranée occidentale (Péninsule Ibérique, Afrique du Nord, Corse, Sardaigne, Malte et Sicile).

En octobre 2011, après 70 ans observation de l'espèce, des individus vivants ont été à nouveau observés au cours d'une patrouille effectuée dans la Réserve Naturelle de la Houla. Parallèlement, des restes fossiles à morphologie de type « discoglosse » ont été également découverts dans plusieurs gisements archéologiques du Pléistocène et de l'Holocène (environ entre -800 000 ans et -10 000 ans) de la Vallée de la Houla. Les caractères ostéologiques des exemplaires actuels et fossiles conduisent à reconsidérer le statut systématique et les relations de parenté du discoglosse d'Israël.
Ces caractères montrent que l'espèce d'Israël n'est pas un discoglosse stricto sensu mais qu'elle se rattache, en fait, au genre Latonia que l'on croyait éteint. Jusqu'à présent, Latonia ne comprenait que des espèces fossiles connues, essentiellement en Europe, de l'Oligocène au Pléistocène inférieur (environ entre -34 millions d'années et -800 000 ans).
Les analyses moléculaires réalisées sur l'ADN nucléaire et mitochondrial des spécimens actuels confirment une divergence génétique entre les formes israéliennes et Discoglossus.

Visualisation 3 D du crâne de Latonia nigriventer (HUJ-R-544) en vue plongeante antérieure. Image Renaud Boistel (CNRS/IPHEP)
Le discoglosse d'Israël est donc une espèce relicte (ou forme panchronique, auparavant plus connue sous le nom populaire de « fossile vivant »), seule survivante du genre Latonia que l'on croyait disparu. Il est le dernier représentant d'une lignée d'amphibiens anoures, dont certains pouvaient atteindre 20 cm de longueur corporelle, et qui a connu une large répartition en Europe et en Turquie durant le Tertiaire avant de subir une forte régression et ne subsister actuellement que dans la limite orientale de sa distribution ancienne. Les auteurs font également remarquer la grande capacité d'adaptation (résilience) montrée par cette espèce capable de survivre aux grands changements climatiques et environnementaux du Quaternaire et même à la forte dégradation de l'habitat liée aux activités humaines au cours des dernières décennies.

• Référence : Rebecca Biton, Eli Geffen, Miguel Vences, Orly Cohen, Salvador Bailon, Rivka Rabinovich, Yoram Malka, Talya Oron, Renaud Boistel, Vlad Brumfeld, Sarig Gafny. The rediscovered Hula painted frog is a living fossil. Nature communications, 4 juin 2013.

• L'Institut de paléoprimatologie, paléontologie humaine : évolution et paléoenvironnements (CNRS / Université de Poitiers), l'Unité « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » (CNRS / MNHN) et l'Unité « Histoire naturelle de l'Homme préhistorique » (CNRS / MNHN) 

•  Plus d'infos sur le site internet de l'Université de Poitiers 

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