dimanche 22 septembre 2013

Jonzac : Christian Radoux,
victime de maîtres chanteurs

 Son ancien coach sous les verrous 

En fin de semaine, l’arnaque dont a failli être victime Christian Radoux, fondateur de la tonnellerie du même nom, s'est propagée comme une traînée de poudre. Et pour cause, des personnes mal intentionnées, dont son coach, ont essayé de l’escroquer d'une manière habile et perverse. 

A Jonzac, tout le monde connaît Christian Radoux qui symbolise la réussite sociale. Il la mérite ! Plutôt beau gosse, ce sexagénaire élégamment vêtu inspire plus l'envie que la pitié selon l'expression. Malgré cette ascension, loin de prendre la grosse tête, lui et son épouse Marie-Laure sont restés simples et accessibles.
Son aisance, Christian la doit à son travail. Que de chemin parcouru depuis que son père a créé la tonnellerie du même nom en 1947, rue des Pierrières. Devenue une grosse entreprise, elle appartient depuis quelques années au groupe François frères, spécialisé dans la production et la commercialisation de fûts en chêne pour les vins haut de gamme. Christian Radoux, qui constitue la "mémoire de l'entreprise", occupe toujours un poste dans cette société.

En juin dernier, Christian Radoux et Marie-Laure ignoraient les semaines affreuses qu"ils allaient vivre (photo N. Bertin)...
Je n'avais pas conscience que j'étais manipulé

 En recrutant un coach sportif il y a quatorze ans, Christian Radoux ne se doutait pas qu'un jour, il en serait la victime. « Il venait à la maison deux ou trois fois par semaine. Nous faisions du footing, de la musculation. Comme j'étais satisfait de ses services, je l'avais recommandé à des amis jonzacais et montendrais. J'avais confiance en lui ». D'ailleurs, il n'avait fait aucune enquête à son sujet lors de son recrutement. Il savait que Franck Arnal appartenait à une société de vigiles charentaise, qu'il habitait Ruelle, était marié et avait deux enfants. C'est tout.

Christian Radoux ne s'est donc pas méfié. Il ignorait qu'en dévoilant sa personnalité à son coach, ses points forts et ses faiblesses, ce dernier apprenait à le connaître pour mieux le prendre dans ses rets. Avec son ami parisien Zaoui Saada, officiellement conseiller en gestion à Asnières, les deux hommes avaient une idée bien précise en tête : escroquer l'ancien patron de la tonnellerie jonzacaise. Minutieusement élaboré, leur projet machiavélique a trouvé son accomplissement l'été dernier.

Christian Radoux se souvient  : « Aux alentours du 14 juillet, j'ai commencé à recevoir des SMS et des coups de fil d'un homme inconnu qui me disait que j'avais commis les pires choses. Si je voulais qu'il me laisse tranquille, je devais lui verser une somme d'argent très importante. Ces propos étant totalement farfelus, je ne les ai pas pris au sérieux. Le plus curieux, c'est qu'au même moment, Franck Arnal m'a averti qu'il avait des appels bizarres. Selon ses déclarations, il aurait été suivi et agressé. Je l'ai cru. Comment aurais-je pu imaginer qu'il était derrière tout ça ? Par la suite, les menaces sont devenues plus pressantes et se sont focalisées sur moi ».
Toutes les nuits à 2 h 15 précises, les chiens de Christian Radoux se mettent à aboyer : « Dans le jardin, il y avait des traces de pas et l'on voyait bien que quelqu'un avait escaladé le mur de la propriété ». L'intéressé commence à paniquer d'autant que des menaces de mort sont proférées à son encontre, toujours par la même voix anonyme. Il a bientôt la nette impression qu'un conducteur le suit en voiture.

Il choisit de quitter Jonzac avec sa femme et les trois enfants de sa fille Florence, en vacances chez lui. Agés respectivement de 13, 15 et 17 ans, ils habitent en Allemagne. « J'ignorais qui me harcelait ainsi. J'ai pensé qu'il valait mieux quitter mon domicile. Dans un premier temps, nous sommes restés en France en changeant de lieu régulièrement. Les appels continuaient et la personne savait où je me trouvais. Je n'avais pas compris que mon smartphone, dont Arnal connaissait bien le numéro, et ma tablette étaient à l'origine de cette géolocalisation. Je me sentais épié, pris dans un étau. Mon entourage a rapidement compris que quelque chose ne tournait pas rond. Nous sommes alors partis en Espagne en espérant y trouver la paix. Je ne voulais pas que les jeunes s'inquiètent ». Leur apaisement est de courte durée…

« On peut frapper autrement » 

 Les menaces téléphoniques se poursuivent. « J'ai réalisé que c'était vraiment grave quand, sur mon portable, j'ai vu apparaître la photo des domiciles de mes enfants situés à Paris et Wiesbaden avec le commentaire suivant : tu as déserté ta maison. On peut frapper autrement. Il n'y a rien de pire que de sentir ses proches en danger. Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais tombé dans une psychose qui constituait un enfermement. En taisant la situation dans laquelle je me trouvais sur les conseils d'Arnal, les maîtres chanteurs enfonçaient le clou jour après jour. J'étais prisonnier ».
Quand il s'agit de raccompagner à l'aéroport ses petits-enfants, une crainte bien légitime saisit Christian Radoux. Outre-Rhin, rien ne dit qu'ils ne seront pas kidnappés…

Il s'en ouvre à son fils qui décide de briser l'omerta. Stéphane vit à Paris : « Il a d'abord pris ses précautions en cachant sa femme qui était enceinte et leur fille jusqu'à que les choses se tassent ». Stéphane appelle son beau-frère Andreas en Allemagne (son épouse Florence se trouve en déplacement aux Etats-Unis) et tous deux conviennent d'une stratégie. Sentant que leur père et beau-père, terrorisé par d'éventuelles représailles, est conditionné et préférera garder le silence, eux vont dévoiler le pot aux roses.

Andreas se rend à la police de Wiesdaden où l'affaire est prise au sérieux. Stéphane, quant à lui, s'adresse à la gendarmerie de Jarnac-Charente. Le Commandant se chargera du dossier à une condition, que Christian Radoux dépose plainte lui-même. « Dans un premier temps, je ne savais pas quelle attitude adopter parce que la manipulation dont j'étais l'objet avait modifié mon comportement. J'ai fini par quitter l'Espagne en y laissant mon épouse et mes petits-enfants pour rejoindre Jarnac. Nous étions aux environs du 15 août ». A Jarnac, il est entendu toute la journée de 9 h à 18 h. Le service de recherches de Poitiers est sur les dents : « Ils m'ont dit qu'ils allaient assurer ma protection et demandé si j'avais un endroit où je pouvais me mettre à l'abri. Un ami en Picardie m'a ouvert sa porte ». Bien sûr, Christian Radoux abandonne son portable et sa tablette, c'est pourquoi le mystérieux inconnu ne parvient plus à communiquer avec lui…
« J'ai pris quelques affaires à Jonzac et suis parti avec mon fils. Des policiers en civil nous ont escortés jusqu'à Beauvais. Sur place, la maison était sécurisée. Le capitaine de gendarmerie venait régulièrement voir si tout allait bien ». Christian Radoux a besoin de repos. Dans la mêlée, il a perdu six kilos…

 Les maîtres chanteurs arrêtés à leur domicile 

Enfin isolé, Christian Radoux n'a plus de contact avec ses maîtres chanteurs. Or, pour qu'ils cessent de nuire, la gendarmerie lui demande de renouer des liens avec eux. « Stéphane est resté à mes côtés tout le temps. Avec l'équipe de protection, il m'a donné du courage. J'ai repris le dessus. L'inconnu n'avait pas abandonné ses sombres desseins. Il m'a réclamé plusieurs centaines de milliers d'euros. Dans la conversation, je devais avoir l'air naturel. Surtout ne pas éveiller ses soupçons, sinon tous les efforts auraient été réduits à néant ».
Christian Radoux rentre à Jonzac. L'inconnu lui donne rendez-vous à Paris où il devra remettre une valise de billets à un endroit donné. « Un programme a été établi avec les enquêteurs. Je devais partir de la gare d'Angoulême avec Franck Arnal qui était censé m'accompagner pour me protéger. Je devais faire comme si de rien n'était ».

 Arnal tombe dans le panneau. Pas un seul instant, le coach pense être piégé à son tour. Au dernier moment, les forces de l'ordre, parvenues à identifier les maîtres chanteurs après une filature minutieuse, préviennent Christian Radoux qu'il n'effectuera pas le voyage dans la capitale. Ils changent le dispositif. Le 22 août aux aurores, ils appréhendent à leurs domiciles respectifs les membres du réseau, soit Franck Arnal, Zaoui Saada et leurs comparses (entre six et huit) sur les régions angoumoisine et parisienne.
Si les "petites mains" ont été placées sous contrôle judiciaire, Saada et Arnal sont sous les verrous depuis le 26 août, en l'attente d'être jugés. Rassérénée, Marie-Laure Radoux est revenue chez elle et les enfants d'Andreas et Florence ont fait une rentrée sereine en Allemagne.

Christian Radoux a été douloureusement touché par cette affaire où il s'est retrouvé pieds et mains liés. Aujourd’hui, il est soulagé, mais une angoisse subsiste. On ne se débarrasse pas comme ça de la peur qui envahit le cœur. « J'ai du mal à trouver le sommeil. J'ai apprécié les nombreux messages de soutien et de sympathie qui m'ont été envoyés. Je voudrais remercier les hommes qui m'ont soutenu. Ce sont des gens extraordinaires, très efficaces dans leur travail, fins analystes, des vrais pros. Ils vous aident à redresser la tête ». Et d'ajouter : « des histoires comme la mienne, il y en a beaucoup, mais les gens se taisent dans 50% des cas. Certains se ruinent et finissent par se suicider. Quand on est victime de chantage, il faut avertir la gendarmerie. C'est la première chose à faire ». Un bon conseil, en effet…
 

Le bon, les brutes et les truands 

Chargé de défendre les intérêts de Christian Radoux, Me Jean Moulineau n'a pas eu encore accès au dossier : « Je le pourrai quand il aura été interrogé par le juge d’instruction, ce qui ne saurait tarder. J'ai déjà été son avocat dans plusieurs affaires d'ordre professionnel ». L'avocat, qui en a vu d'autres, admet que ce dossier le laisse perplexe : « C'est totalement insensé. Le fameux coach et Zaoui Saada, cerveau de l'affaire semble-t-il, ont tout manigancé en faisant croire à Christian Radoux qu'il était menacé de mort. Durant plusieurs mois, ils ont fait subir à leur victime une véritable pression psychologique. A force de côtoyer des gens riches, l’appât du gain peut être réel. Naissent alors des sentiments d’envie, de jalousie. Une manipulation mentale de ce niveau-là est vraiment étonnante ! Ils connaissaient bien la personnalité de Christian Radoux et progressivement, ils ont semé le doute dans son esprit ». Quelles peines de prison encourent Arnal et Saada ? « Tout dépendra de leurs casiers personnels. La violence morale exercée sur Christian Radoux a été importante. Ils peuvent écoper de plusieurs années de prison, entre 5 et 9 ans. Pour l'instant, ils ont été mis en examen et sont, selon les termes de la loi, présumés innocents. Le procès en correctionnel aura lieu au Tribunal d'Angoulême, mais pas avant plusieurs mois » précise Me Jean Moulineau.

• Responsable d'une société de conseil en gestion située à Asnières, Zaoui Saada préside deux associations (Le RDAP, Rassemblement Démocratique Algérien pour la Paix et le progrès et l'OAU, Organisation Arabe Unie) qui ont fait un procès à Charly hebdo après la publication des fameuses caricatures de Mahomet. Chacune des associations réclamait 200.000 euros de dommages et intérêts, Zaoui Saada 20.000 euros ainsi que 363.500 euros qui correspondaient à la vente des 145.000 exemplaires du journal. Les associations et Z. Saada ont été déboutés et condamnés à verser 750 euros de dommages et intérêts à Charly hebdo.

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