mardi 24 septembre 2013

La Cour des comptes étrille
les finances des collectivités


Dans un rapport à paraître mi-octobre, elle épingle des élus trop dépensiers. Les magistrats appellent à concentrer les économies sur le bloc communal. L’événement est très attendu. 

Pour la première fois, la Cour des comptes s’apprête à publier, mi-octobre, un rapport consacré aux finances locales sur le modèle de ce qu’elle fait déjà pour les finances publiques et la Sécurité sociale. La Cour, qui se contentait jusqu’à présent d’examiner séparément les comptes des villes, départements ou régions, livre donc un premier panorama. Et les magistrats de la rue Cambon n’y sont pas allés par quatre chemins. Oui, les collectivités locales dépensent trop, disent-ils en substance. Quant aux orientations prises par le Gouvernement au printemps pour tenter de freiner la machine (le pacte de confiance et de responsabilité), elles ne seront pas suffisantes. Et la Cour d’exhorter à plus de « vertu » budgétaire.

Une analyse que ne partagent pas les élus. Impossible d’en croiser un ces dernières semaines sans qu’il ne peste contre le rapport préliminaire que « Les Echos » ont pu consulter. « C’est un brûlot, un rapport très dur. Il est désagréable et exagère. C’est la pensée de la haute administration qui méconnaît la réalité du terrain » s’énerve l’un, tandis que Philippe Laurent, vice-président de la commission finance de l’Association des maires de France, ne cache pas son agacement de voir les communes clouées au pilori. « Le postulat de départ est que les collectivités gèrent mal. Ce n’est pas la réalité. Il y a certes des efforts à faire mais globalement cela va de mieux en mieux ».

La Cour épingle surtout les dépenses de fonctionnement. Au fil de leurs enquêtes, les chambres régionales ont montré que les élus ne se sont pas dotés d’outils de maîtrise de leurs dépenses de personnels. La communauté d’agglomération de Béziers permet par exemple une demi-journée de repos systématique chaque semaine et elle n’a pas d’outil de gestion automatisé du temps de travail. Dans l’Aude, les observations faites sur le non-respect du temps de travail ont conduit les élus à augmenter de plusieurs jours la durée de travail annuelle.

La Cour dénonce aussi une mauvaise gestion des risques (impayés, emprunts toxiques, etc.) dans les livres comptables. C’est le cas du département du Haut-Rhin alors qu’il y a plusieurs contentieux importants en cours.

Sur les questions financières, le ton vire au rappel à l’ordre et à l’exigence de la participation des collectivités à l’équilibre des finances publiques. Les dotations que les élus reçoivent ou la fiscalité qui leur est affectée proviennent de l’argent des contribuables, il doit être bien géré. Les élus ont donc une responsabilité collective au même titre que l’Etat. Surtout quand les marges de manœuvre de ce dernier apparaissent de plus en plus contraintes. Problème : les dépenses et l’endettement des collectivités ont continué à augmenter en 2012, après dix années de dérives déjà largement pointées par le Parlement. Le solde entre les recettes (239,4 milliards) et les dépenses (242,5 milliards) des administrations locales affiche un déficit de 3,1 milliards, soit deux fois plus qu’en 2011. Cette dégradation est imputable à une progression des dépenses de 3,1 %, supérieure à celle des recettes (+2,4 %).

La dette est en augmentation de 4,2 % à 173 milliards fin 2012. Elle représente désormais 9,5 % de l’ensemble de la dette publique. Après le gel des dotations budgétaire décidé par le gouvernement Sarkozy, le budget acte une baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014 et à nouveau en 2015, qui fait hurler les collectivités. Mais pour la Cour, cette stratégie est insuffisante car elle est largement contournée. Tout en baissant les dotations, le gouvernement a permis aux départements d’augmenter les droits de mutation (ce qui pourrait leur permettre d’engranger plus de 1 milliard d’euros) et va débloquer des fonds pour les aider. Autre grief : la répartition des économies sur les dotations s’est faite au prorata du poids de chacun (communes départements, régions, intercommunalités), sans tenir compte du fait que les départements croulent sous les dépenses sociales. Le bloc communal aurait dû faire plus d’efforts, estime la Cour. Et il aurait été nécessaire de renforcer la péréquation entre communes riches et pauvres.

A l’avenir, faut-il continuer à baisser les dotations ?  Le rapport juge que la poursuite de l’effort est nécessaire, à condition de le faire reposer plus sur le bloc communal et de l’accompagner d’engagements réciproques sur la maîtrise des dépenses locales. Autre proposition choc : réaffecter aux départements et aux régions des ressources fiscales bénéficiant aujourd’hui aux communes. Car il ne saurait être question de priver l’Etat de recettes. L’ensemble serait concrétisé dans un pacte de gouvernance des finances locales.
Un gouvernement de gauche, majoritaire dans toutes les régions sauf l’Alsace, peut-il aller dans ce sens ? Le projet de loi sur la décentralisation qui revient au Sénat dans quelques jours ne prévoit pas la moindre contrainte. « La Cour suggère que le haut conseil des territoires soit doté de plus de pouvoirs » explique un élu. Que le gouvernement commence par balayer devant sa porte en s’attaquant vraiment aux normes, rétorque-t-on à l’Association des maires de France.

Julie Chauveau
Chef de service
jchauveau@lesechos.fr

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En complément de cet article, voici un très bon site qui permet de se rendre compte de l'évolution de la situation financière des collectivités.

http://alize2.finances.gouv.fr/communes/eneuro