vendredi 21 novembre 2014

Le rêve américain de Napoléon :
Devenir explorateur scientifique
comme Alexandre von Humboldt
et le rochelais Aimé Bonpland.

La directrice de l’Académie de Saintonge, Marie Dominique Montel, qui prépare un film pour France 3 sur le Baron et la Baronne Gourgaud - dont le souvenir est très présent à l’Ile d’Aix comme celui de Napoléon - présente l’une des faces cachées de l’Empereur. Il voulait devenir explorateur scientifique...

Il y aura bientôt 200 ans, en juin 1815, Napoléon perdait, à un cheveu près, la bataille de Waterloo. Un mois plus tard au large de l’île d’Aix, il s’embarquait sur le Bellérophon et pour l’exil de Sainte Hélène. Je voudrais vous parler de ce mois-là, mi-juin, mi-juillet 1815 parce que c’est une histoire peu connue, doublement passionnante et doublement charentaise. qui s’achève dans notre département.
Après Waterloo, Napoléon rentre à Paris, où il abdique, passe quelques jours à la Malmaison et puis -avec une suite de 60 personnes tout de même - traverse le pays, prend la route de Rochefort en passant par Rambouille, Tours, Niort. Il reste une semaine à Rochefort et puis il part pour l’Ile d’Aix où il écrira sa reddition aux Anglais dans la chambre de la maison qu’il avait fait bâtir quelques années plus tôt. Grâce au baron Gourgaud, depuis 1930, cette maison est devenue un musée national qui retrace les dernières journées de Napoléon sur le sol français.
L’histoire est tellement connue qu’on en oublie généralement de se poser la vraie question. Que venait-il donc faire sur les côtes charentaises ? A moins d’imaginer qu’il n’était venu par ici qu’avec l’intention d’attraper une correspondance pour Sainte Hélène, il faut bien se demander quelles étaient ses motivations.
En réalité, après Waterloo, il est abattu désemparé sûrement. Mais entre ces épisodes (dépressifs dirait-on aujourd'hui), ressurgissent certains traits de caractère du jeune Bonaparte. Le goût de l'aventure, des sciences. Après tout il n'a que 45 ans !


Des rêves d’exploration 

Napoléon vient à Rochefort afin de s’embarquer pour les Etats-Unis. Il a l’intention de devenir explorateur, et très précisément explorateur scientifique. On en sait plus aujourd'hui sur ce rêve américain qu'il a failli réaliser. Qu'il a, en tous cas, minutieusement préparé jusque dans les détails. Il va même s'abonner à tous les journaux parisiens en demandant de les lui adresser poste restante à New York. Il charge le banquier Lafitte de faire transférer son argent outre–Atlantique.
Il est de retour à la Malmaison. Joséphine est morte quelques mois plus tôt, mais on a rouvert la maison pour lui. Il cherche parmi les savants celui qui pourrait l'accompagner : le vieux Monge qui se propose ou alors le jeune Arago. Il prévoit des campagnes d’exploration. Il fait préparer des malles d'instruments, de cartes, de vêtements adaptés et de livres (qui l'accompagneront inutilement à Sainte-Hélène). Il lit jour et nuit les récits du grand explorateur Humboldt qui a exploré l’Amérique du Sud quelques années plus tôt.

Aimé Bonpland
Et cette histoire est doublement charentaise parce qu’elle se rattache à notre département. Napoléon connait un peu Alexandre von Humboldt. En revanche, il connait bien, car il l’a recruté comme botaniste en chef de Joséphine, l’associé de Humboldt, son compagnon de voyage et d’exploration, un garçon natif de La Rochelle qui s’appelle Aimé Bonpland.
Bonpland et Humboldt se rencontrent à Paris, à l’âge de 25 ans. Ils décident de partir explorer l’Egypte et (en résumé) comme ils ne trouvent pas de bateau pour l’Egypte, ils partent pour le Venezuela. De là, ils parcourent l’Amérique du Sud de long en large pendant des années avant de rejoindre l’Amérique du Nord.
Humboldt s’intéresse à la géographie physique, aux mesures, aux fleuves, aux courants (dont le courant de Humboldt qui porte son nom).
Bonpland se consacre aux espèces végétales et ramènera 60.000 exemplaires inconnus dont une jolie fleur de nos jardins, le fuchsia. C'est un personnage avenant et bon vivant. A part les fleurs, il aime les dames qui le lui rendent bien, ce qui lui fait perdre pas mal de temps dans la rédaction de ses récits de voyage.
Humboldt est un jeune baron allemand, enthousiaste mais plus sérieux ou qui n’a pas les mêmes goûts. Les historiens sont partagés sur la question ! En tous cas, il rédige bien davantage. Ils ont tous les deux beaucoup de succès à leur retour en 1804 quand ils commencent à publier leurs descriptions scientifiques.

Alexandre von Humbodt
Napoléon, qui a fait construire pour Joséphine à la Malmaison les plus grandes serres d’Europe pour acclimater les plantes exotiques et un jardin magnifique, ne tarde pas à engager Bonpland comme botaniste en chef. Pour l’impératrice, il acclimate des plantes qui ne poussaient pas chez nous comme des fuchsias, bien sûr, mais aussi des orchidées, des hortensias, des eucalyptus. Au moment où Napoléon s’imagine une nouvelle vie, après sa défaite de 1815, les voyages de Humboldt et Bonpland deviennent son inspiration. Finalement, il ne partira pas en Amérique. Son frère Joseph, qui devait être du voyage, fera seul la traversée et vivra 25 ans aux Etats-Unis. Bonpland, lui, est reparti mourir en Argentine. Celui qui réalisera au plus près le rêve de Napoléon et deviendra un explorateur scientifique du Nouveau Monde, c’est son neveu Charles-Lucien Bonaparte, fils de son frère Lucien, ornithologue de renom. Dans les années 1820-1830, il fera des descriptions magnifiques des oiseaux d’Amérique. Il nous reste la grande histoire et... les fuchsias. Si vous en avez dans votre jardin, la prochaine fois que vous le regarderez, ils vous feront penser au rêve américain de Napoléon et au charentais Aimé Bonpland.

Le musée Napoléon à l'île d'Aix en Charente-Maritime
Le Château de la Malmaison et la Maison de l’Empereur à l’Ile d’Aix organisent en 2015 deux expositions conjointes sur ce thème. L’Académie de Saintonge est associée à cette entreprise. C’est en effet un lauréat de l’Académie, Christophe Pincemaille (prix du Patrimoine 2010), conservateur à la Malmaison qui est le commissaire général de l’exposition et c’est un membre de l’Académie de Saintonge, Pascal Even, conservateur général des Archives du Quai d’Orsay qui supervise les recherches sur l’aspect diplomatique de cette période. Enfin, Marie Dominique Montel et son collègue américain Christopher Jones réalisent un film qui servira de fil conducteur à l’exposition et sera présenté sur France 3.

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