jeudi 7 janvier 2016

Vente aux enchères de machines
à vapeur à Chalais : un rendez-vous
pour tous les passionnés

Un petit matin de décembre, un peu avant Noël. Il fait frisquet dans ce hameau de Chalais baptisé chez Bernet, assez éloigné du château qui domine la ville. C'est là, à l'orée d'un bois, que René Gros avait entreposé ses trésors de guerre ou plutôt ses passions, des machines à vapeur que chouchoutait ce réparateur de matériel agricole ancien. 



Employé à la carrosserie Laurent, René Gros aimait ces témoignages du passé qui lui rappelaient son enfance rurale et sans doute les paroles célèbres de la chanson Je cherche fortune : « C'est pas moi, c'est ma soeur 
qu'a cassé la machine à vapeur » ! En son atelier, il n'y avait pas de chat noir, mais un espace entièrement dédié à ces honorables dames, symboles de la révolution industrielle. Il les avait entreposées avec des tonnes de ferraille derrière sa maison, sous les hangars, balets en patois. Un univers un peu particulier pour initiés.
A sa mort, qu'allait devenir cet héritage un peu envahissant ? Pas question de l'abandonner à la nature qui, tôt ou tard, aurait pris ses aises. Ses héritiers (frères et sœur) ont choisi d'organiser des enchères.
Mardi 22 décembre, les acquéreurs sont venus nombreux, parfois de très loin. Dans leur jus, attendaient une locomobile de 1912, des engins de travaux publics, des machines à vapeur et des monceaux de ferraille diverse et variée.


Robert Juge, commissaire-priseur à Angoulême, supervisait les opérations de ce rendez-vous assez « pittoresque » : « c'est la première fois de ma carrière que j'encadre l'adjudication de machines à vapeur » avouait-il. Et d'ajouter que dans le domaine des ventes insolites, « il convenait de citer le trésor de Bazas composé de pièces des XIVe et XV e siècles ». 
 Ce jour-là, il n'était pas question de manne monétaire, mais de machines cherchant acheteurs, lesquels ne manquaient pas ! Récupérateur de matériaux en Charente, l'entreprise Sabatier était sur les rangs, de même que Jacky Fétis, responsable d'un musée dans le Morbihan. Des acquéreurs étrangers espéraient au téléphone, Anglais et Belges.

La vente s'est déroulée en deux temps, trois mouvements : tout a été vendu ! La locomobile est devenue propriété de la famille Sabatier pour 45000 euros. Jacky Fétis, quant à lui, a acquis des rouleaux à vapeur et compresseur pour la somme de 26000 euros. Un couple a craqué pour un tracteur John Deere qu'il livrera dans la Drôme. Au total, plus de 143.000 euros ont été récoltés.
Ces matériels étaient à prendre sur place, c'est pourquoi les personnes intéressées appelant de l'étranger se sont montrées moins empressées. Pour les extraire de leur emplacement et compte-tenu de leurs poids respectifs, il convient en effet d'avoir les engins nécessaires.
Il y a donc eu des heureux et des déçus, mais une chose est sûre : ces machines quitteront leur anonymat pour une vie nouvelle, parole de collectionneurs avertis ! 

Ce tracteur va partir dans le Midi de la France



Au centre, M. Sabatier, acquéreur de la locomobile



Des tonnes de ferraille
PHOTOS NICOLE BERTIN
•  A l'orée d'un bois, des hangars recouverts de tôle rouillée abritent des machines d'un autre temps, véritables monstres d'acier. Cet invraisemblable attirail de pièces mécaniques a été rassemblé par René Gros.

En agriculture, trois types différents de machines à vapeur ont été employés du XIXe siècle au début du XXe siècle : 

- Les locomobiles, source fixe d'énergie, remorquées le plus souvent au moyen de la traction animale. Pour les travaux des champs, l'apparition du machinisme agricole nécessitait des puissances de l'ordre de plusieurs chevaux vapeur  - un cheval vapeur équivaut à une propulsion de 75 kg à un mètre de hauteur en une seconde - (batteuse et labourage mécanique au moyen d'un treuil tirant la charrue).
- Les routières étaient le plus souvent utilisées pour remorquer et entraîner le matériel nécessaire au dépiquage du grain de ferme en ferme. Les entrepreneurs de battage exerçaient généralement une activité complémentaire : le sciage des grumes où la routière hâlait et transportait les pièces de bois à débiter.
- Les rouleaux à vapeur, routière facilement transformable par substitution d'un avant-train rigide à cylindre et de roues à arrière à jantes plates. Destinés à la réfection des routes, ils se déplaçaient de chantier en chantier en tractant une roulotte contenant les outils, le charbon, l'huile et même le lit du chauffeur.

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