jeudi 4 mai 2017

Saintes : la procession des reliques de Saint-Eutrope n'est pas passée inaperçue

Depuis plusieurs décennies, les reliques de Saint-Eutrope ne sont plus l'objet d'une procession dans la cité santone. Mgr Colomb, nouvel Evêque de La Rochelle et Saintes, a voulu renouer avec cette tradition. Il en sera ainsi chaque année, de même qu'à l'Ile Madame où sont enterrés les martyrs des pontons de Rochefort. Pour mémoire, rappelons qu'Eutrope fut le premier Evêque de Saintes assassiné d'un coup de hache à la tête, acte commandité par un notable gallo-romain hostile à la nouvelle religion.

La procession a joui d'un temps exceptionnel alors que la pluie était annoncée. 
Elle est arrivée bien plus tard

Plusieurs manifestations ont eu lieu en son honneur samedi et dimanche derniers. Dimanche matin, la procession partant de la basilique Saint-Eutrope jusqu'à la cathédrale Saint-Pierre n'est pas passée inaperçue. En ville, de nombreux passants se sont arrêtés sur son passage. Chants, sono, étape devant la Providence, tout un rituel qui rappelait le temps d'avant quand la foi chrétienne était forte. Transportées dans une châsse, les reliques, à l'abri d'un précieux coffret, précédaient prêtres et fidèles, Mgr Colomb clôturant le cortège. Rappeler aux paroissiens ce que fut l'engagement des premiers évangélisateurs est l'un des objectifs recherchés. « Les historiens sont partagés sur Saint-Eutrope. En le vénérant, le premier des apôtres du diocèse vient dans la cathédrale placée sous le patronage du premier des apôtres de l’Eglise universelle, l’apôtre Pierre. Aujourd’hui, nous n’inventons rien, nous reprenons une tradition millénaire de la procession des reliques. Il faut remonter à l’après-guerre ou aux années 60 pour trouver trace de la dernière procession des reliques du saint martyr dans cette ville » a souligné Mgr Colomb.

La procession quitte la basilique Saint-Eutrope
On peut admirer l'œuvre des bâtisseurs
La messe célébrée en la cathédrale Saint-Pierre avait attiré une nombreuse assistance et des personnalités dont le maire Jean-Philippe Machon. Lequel a eu droit à un courrier de la Libre Pensée 17 (selon un article du journal Sud-Ouest) sur les conditions d'organisation de la procession et la présence des services techniques de la ville en particulier. Bigot, le premier magistrat ? L'intéressé a aussitôt fourni des explications, arguant que la seule mise à disposition émanant de la mairie était celle du matériel de sécurisation sur la voie publique. Selon les organisateurs, les consignes de sécurité étaient drastiques (état d'urgence gouvernemental oblige). Quant à la présence du maire à la messe où il était invité, il est « libre d'assister à un office » comme d'autres vont au temple ou à la mosquée...

Bref, depuis la loi de 1905, il existe en France une séparation de l'Eglise et de l'Etat. Allons-nous revenir à l'époque où le petit père Combes "bouffait" du curé ?...


La procession s'est dirigée vers la Providence pour descendre jusqu'à la cathédrale Saint-Pierre
Deux chanteurs se trouvaient à l'intérieur de la voiture sonorisée
Mgr Colomb clôturait le cortège. En cette période électorale, certains craignaient que cette procession soit prise comme une "provocation". Il n'en fut rien...

Etape à la Providence
Un peu d'encens...
Photos © Nicole Bertin

Il existe de nombreuses légendes sur la vie de Saint-Eutrope

La basilique Saint-Eutrope 


Toutes les légendes concernant Eutrope, se basant les unes sur les autres, n'ont souvent aucun fondement historique. Au fil du temps, les différents auteurs ont ajouté de plus en plus de détails et même des personnages autour du saint. Le plus explicite de ces ajouts est sainte Estelle qui apparaît dans les premiers textes légendaires comme la principale disciple d'Eutrope, vierge consacrée qui finit même par devenir une martyre alors que son existence n'est attestée dans aucun texte antique.

La plus ancienne des sources connue est dans le Codex Calixtinus où Aimery Picaud offre aux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle une vie de ce grand saint :
 Eutrope, d'origine perse (l'actuel Iran) est le fils du roi Xerxès. Attiré en Palestine par la réputation de Jésus, il y rencontre Martial, qui deviendra le premier évêque de Limoges, puis son saint patron. La légende en fait en outre le treizième apôtre. Il assiste à la multiplication des pains et des poissons, puis à l'entrée triomphante de Jésus à Jérusalem qu'on célèbre le jour des Rameaux. Apprenant que le Christ est arrêté, il retourne en Perse pour y lever une armée qui pourrait le secourir. Or, Jésus meurt avant qu'il ait pu regrouper ses soldats. Il ordonne alors le massacre des Juifs de son pays et rejoint ensuite les apôtres et les premiers disciples, puis part évangéliser l'Europe. Saint Pierre l'envoie alors à Saintes, grande ville romaine de Gaule. D'après certaines légendes, il arriva en Europe dans la barque qui déposa Marthe et Marie-Madeleine aux Saintes-Maries-de-la-Mer.

Pour d'autres encore, il fit le voyage avec Saint-Denis qui évangélisa Paris ou avec Saint-Martial, ou Saint-Pierre. Dès son arrivée à Saintes, il s'installe dans les quartiers pauvres. Il convertit alors de nombreuses personnes, dont la princesse Eustelle ou Estelle, fille d'un gouverneur romain, baptisée à treize ans. Son père la renie  ; elle vit alors près de l'évêque. Or, ce gouverneur ne supportant pas l'idée que sa fille serve un chrétien, offre 150 livres à des bandits pour qu'ils suppriment le fauteur de troubles. Ces hommes provoquent une émeute de 2 000 personnes et font lapider l'évêque. Un homme frappe à coups de hache la tête de l'évangéliste qui s'ouvre. Eustelle et les disciples du saint recueillent son corps la nuit suivante et l'enterrent dans un jardin. Ce tombeau devint un lieu de vénération et, dit-on, de miracles. Eustelle, décapitée sur ordre de son père, est enterrée auprès d'Eutrope.

Dans la crypte mystérieuse, le tombeau de Saint-Eutrope (© Nicole Bertin)

Quelques siècles après la mort d'Eutrope, sous l'Épiscopat de Palladius, les restes du saint furent retrouvés grâce à un songe et l'on put vérifier que c'était bien le crâne d'Eutrope par la trace du coup de hache, marqué dans l'os. Eutrope confirma lui-même cette découverte (raconte Palladius) en apparaissant en songe à nouveau et disant « Cette cicatrice que vous avez vue sur mon crâne est celle qui m'a fait martyr ». C'est en 1842 que l'on retrouva dans la crypte de la basilique Saint-Eutrope de Saintes, un sarcophage, marqué du nom d'EUTROPIUS, contenant les os de plusieurs personnes, attribués à Eutrope et Eustelle. Le crâne d'Eutrope, lui, avait été conservé ailleurs et avait même pas mal voyagé, entre Bordeaux et Saintes. Caché pendant la Révolution française, il fut rendu au prieur de Saint-Eutrope de Saintes.
En 1805, le curé de Saint-Eutrope commanda à Isaac Goguet, orfèvre protestant, un buste reliquaire en argent destiné à recueillir le crâne de Saint-Eutrope. Ce buste n'est visible qu'à de rares occasions.

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