lundi 27 novembre 2017

Hannah Arendt, Martin Heidegger : l’étrange relation entre une étudiante juive et un admirateur des thèses du National-Socialisme

Vendredi dernier, dans le cadre des Feuillets d’automne, le théâtre du château de Jonzac accueillait « un rapport sur la banalité de l’amour », pièce de théâtre de Mario Diament, journaliste et auteur dramatique argentin, adaptée et mise en scène par André Nerman.

La montée du nazisme en Allemagne. Pourquoi un tableau de Jérôme Bosch sur le mur ? Un bateau qui n'ira nulle part (© Nicole Bertin)
L’histoire « présentée comme fictive » met en scène Maïa Guéritte dans le rôle d'Hannah Arendt (1906-1975) tandis que d’André Nerman incarne Martin Heidegger (1889-1976). Elle est juive, lui est un honorable professeur d’histoire de la philosophie, séduit par les thèses du National-Socialisme et son chef Adolf Hitler (parti auquel il adhère de 1933 à 1944). Il estime que l’Allemagne, en grave crise, ne peut se relever que grâce à des hommes de cette trempe. Pour sa part, Hannah pressent que le danger est imminent pour les siens. Et pourtant, il s’aiment comme pour oublier que tout les oppose. Attrait des contraires.

Bien que fictive, cette pièce s'appuie sur les liens réels qui ont existé entre Hannah Arendt et Martin Heidegger
Plus jeune de dix-sept ans, Hannah tombe dans ses rets. Elle admire cet homme passionnant qui a une si haute estime de lui-même. Jusqu’à ce que la guerre ou plutôt son issue révèle l’atrocité des nazis. Elle a fui à Paris, échappant ainsi aux camps de concentration qui ont exterminé tant de victimes. Lui a démissionné de son poste de recteur de l'université de Fribourg.

La pièce ne met pas en scène les qualités de Martin Heidegger, considéré comme l'un des philosophes les plus marquants du XXe siècle. Au contraire, elle entre dans les méandres de son esprit, de ses attentes et des vanités qui l’animent. Hannah aurait pu le détester, il n’en est rien. Tout au long de sa vie, elle restera en contact avec lui. Tous deux, par leurs travaux, contribueront à faire avancer la pensée mais sans bouleverser le lien qui les unit.
Il existe une fêlure chez ces deux êtres que l’amour rapproche pour mieux les séparer. Ces situations ont-elles contribué à forger leurs identités respectives, à les faire avancer dans leurs intimes convictions et leurs oppositions si criantes ? Si chacun a évolué au point de devenir une référence, leur passion - attestée -  n’est qu’une piètre consolation parfaitement saisie par les comédiens. Avant même de commencer leur histoire, le froid s’est déjà installé, une glace aussi inquiétante que l’époque de leurs premières amours.

A la vie !

En 1925, la rencontre d’Hannah Arendt avec Heidegger avait été un événement majeur de sa vie sur les plans intellectuel et sentimental. Elle admirait ce maître qu’elle croyait au dessus de tout soupçon. Son maître s’est trompé de héros. Pas de chance, on ne peut pas gagner à tous les coups, pour l’un comme pour l’autre.

Jean-Noël Hazemann, directeur du Théâtre de La Huchette à Paris, était présent à la représentation.
• Cette pièce a été écrite à partir de correspondances entre Hannah Arendt et Martin Heidegger. Romancée, elle s’appuie néanmoins sur une véritable relation entre ces deux êtres. La pièce n’a jamais été jouée en Allemagne. Elle a été présentée en France et aux Etats-Unis.

Hannah et Martin après la guerre : désillusions, comme un goût d'inachevé...
Photos Nicole Bertin

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