jeudi 28 décembre 2017

Simone Archambaud : la haute couture n'a pas de secret pour elle...

Originaire du canton d’Archiac, Simone Archambaud - baptisée Marie-France, son second prénom - a fait toute sa carrière à Paris, dans les grandes maisons de couture, avant de revenir dans sa commune natale, la retraite venue. A 96 ans, elle est vive et dynamique et n’a rien perdu de son élégance naturelle. Adorable - c’est le mot - elle nous livre des confidences sur sa vie d’avant.


Photos de mode, lettres et magazines sont posés sur la table de la salle à manger. La demeure est soignée et coquette à l’image de sa propriétaire, Simone Archambaud. Ces clichés et coupures de presse éparpillés, dont un article la concernant publié dans la presse allemande, lui rappellent sa carrière professionnelle à Paris. Précise, elle commente chaque souvenir, avec une pensée émue pour Jacques Fath, pour qui elle a travaillé de nombreuses années. Ce couturier génial accéda à la notoriété grâce à un défilé qu’à l’époque, Vogue avait qualifié de « magnifique première collection ». Ces moments, Simone les vit comme s‘ils venaient de se dérouler. Elle n’a rien oublié !


Jacques Fath est considéré comme l'un des couturiers les plus importants de la haute couture d'après-guerre avec Balenciaga, Christian Dior et Pierre Balmain (photo archives)
A cette question « dans quelles circonstances êtes-vous arrivée dans la capitale ? », elle ouvre le grand livre de sa vie. Elle évoque la petite fille, née à Cierzac, qui habillait soigneusement ses poupées. Adolescente, cette prédisposition la conduit à apprendre la couture à Archiac, chez une vieille demoiselle prénommée Célestine. Elle y reste deux ans jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. C’est une période dure où chacun s‘organise comme il peut. « Je me suis établie à mon compte et j’allais chercher du tissu à Cognac ». Toutes les matières premières sont utilisées pour tailler des vêtements, y compris les rideaux !

La paix signée, elle décide de tenter sa chance à Paris où elle a de la parenté. Elle y découvre la haute couture : « on ne comptait pas nos heures. Nous faisions du sur mesure et le travail devait être impeccable ». L’objectif est d‘assurer les commandes en s’investissant pleinement, semaine et week-end. Elle évolue et change de "maison" : « à chaque fois, j’ai approfondi mes techniques et assumé des responsabilités. J’ai fait la connaissance de Suzanne de Montfort, directrice du journal Ici Paris, avec qui j’ai sympathisé ». Elle rejoint bientôt les ateliers de Jacques Fath. Univers feutrés et rencontres avec des femmes du monde, artistes, comédiennes, épouses de Présidents de la République. L’exigence vestimentaire est de mise et Simone est parfois confrontée à la complexité que pose le tombé des drapés ! Les défilés de mode, deux fois par an, sont les rendez-vous incontournables du tout Paris. Elle y croise Yves Saint-Laurent à ses débuts, quand il n’est pas encore le monstre sacré dont le public va saluer l’immense talent. Clin d'œil également aux mannequins, dont la superbe Bettina, qui brillent au firmament !

Un article consacré à Simone Archambaud "Marie-France", 
paru dans la presse allemande
Le temps passant, Simone se voit confier la gestion d’un magasin de prêt-à-porter où elle accueille une clientèle importante. Lors des vacances, elle revient au « pays » où ses voisins l’appellent « la Parisienne ».  Sa garde-robe et ses chapeaux ne passent pas inaperçus. Elle en possède 17 ainsi que moult tenues qu’elle conserve précieusement dans ses armoires. Les finitions, parfaites, laissent rêveur !
Dans les années 2000, elle s’installe définitivement dans son village natal, « contente d‘avoir retrouvé ses racines et sa famille ». L’univers de la haute couture n’a pas de secret pour elle. Elle détaille les fonctions au sein des ateliers et les tâches qu’assument les fameuses petites mains. Elle a vécu des instants gravés dans sa mémoire. Ainsi, les rencontres avec Yvonne de Gaulle pour qui elle avait été confectionné une robe en dentelle, la Duchesse de Windsor et tant d’autres personnalités françaises et étrangères : « lors des essayages, il n’y avait pratiquement rien à retoucher ». Seul bémol parmi ce panel de femmes célèbres, la comédienne Danièle Darrieux qui, dit-elle, ne souciait bien peu des couturières qui avaient réalisé ses tenues.

Un modèle de robe qui a fait le tour du monde !
 Agée de 96 ans, Simone Archambaud envisage 2018 avec sérénité. Que pense-t-elle de la mode actuelle ? « J’ai eu des maîtres extraordinaires et fait un métier passionnant. De nos jours, le prêt-à-porter est devenu plus quelconque et les femmes s’habillent beaucoup moins qu‘autrefois ».
Que lui souhaiter sinon une belle année dans sa patrie de cœur qu’est la Saintonge !


Simone Archambaud a été Meilleur Ouvrier de France dans les années 50
• Les ateliers

À partir d'un simple croquis, les créations sont réalisées dans un atelier de couture. Les maisons de haute couture doivent disposer d'au moins deux ateliers : un ou deux ateliers de « flou » et un atelier de « strict » : le « flou » pour les matières fluides, chemisiers, les robes du soir ou celles de cocktail ; le « strict » ou « tailleur » pour les vêtements structurés comme les vestes, pantalons, jupes droites, traditionnellement les tenues de jour et d'après-midi. Ces ateliers peuvent être composés de quelques personnes, et jusqu'à une centaine pour certaines maisons comme Dior. Dans les ateliers de couture, les ouvrières ont longtemps été appelées petites mains. Elles faisaient partie d’une hiérarchie à la tête de laquelle on trouvait la première et les secondes d’atelier.

• Les petites mains

Si au siècle dernier, la petite main était une ouvrière d’exécution, elle est aujourd’hui une ouvrière qualifiée. La qualification, le seul moyen de trouver un emploi dans une industrie textile et un secteur de l’habillement en crise : dans les années 1950, la France comptait environ dix mille tailleurs. Aujourd’hui, selon la Fédération nationale des Maîtres-Tailleurs de France, on recense 150 ateliers répartis sur tout le territoire, principalement dans les grandes villes avec une forte concentration à Paris. On ne compterait plus guère que 200 couturières ou « premières mains qualifiées » dans les ateliers parisiens.

Aujourd’hui, en haute couture, on ne parle plus de petite main, mais de couturière tailleur dans les ateliers flou ou tailleur  – selon le type de vêtements confectionnés, souples ou structurés – depuis l’entrée en vigueur d’un nouvel accord signé dans le cadre de la convention collective qui régit les entreprises du secteur de la mode et de la haute couture.
 
© Nicole Bertin

Les souvenirs de Simone Archambaud : nombreux documents 
et tenues conservées précieusement

Belle année 2018

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