mardi 20 février 2018

Voyage dans le temps : Souriez, vous êtes à Mediolanum il y a 2000 ans !

Ou du moins au cœur des vestiges qui ornaient les édifices de la grande capitale gallo-romaine aux premiers siècles de notre ère. Lesquels, après leur découverte et moult pérégrinations, étaient exposés au musée lapidaire de la place Bassompierre. Ils sont actuellement en cours de « déménagement » vers la Trocante (avenue Jourdan), en l’attente d’une construction digne de ce nom qui devrait se trouver près de l’amphithéâtre.

Le musée lapidaire en plein "déménagement"

En 2016, le musée lapidaire de Saintes, situé sur la place Bassompierre, a fermé ses portes pour des raisons de sécurité. Le bâtiment ne pouvant être restauré sans ôter les collections, la mairie s’est trouvée dans l’obligation d'en interdire l'accès au public (ce qui est toujours regrettable) et de rechercher un nouveau lieu pour mettre les "objets" à l’abri. La Trocante a été choisie pour les abriter temporairement avant qu’ils ne reviennent dans le grand musée archéologique que le maire, Jean-Philippe Machon, souhaite construire près des arènes.

Au centre, un grand masque de théâtre de l'époque flavienne
Bel exemple de chapiteau orné
Ces dernières semaines, un premier transfert a été réalisé par les équipes municipales, chargées des éléments les plus "maniables" (frises, sculptures, mausolées, etc), soit une soixantaine de palettes sur 570 à transporter. La seconde tranche, concernant les éléments les plus massifs, a débuté jeudi dernier. Pour ces manipulations délicates, appel a été fait à la société Bovis qu’encadre un spécialiste Anthony Quatreveau. Il s’agit d’un vaste chantier concernant les gros blocs, colonnes, chapiteaux et autres ornementations.

Le musée lapidaire, tel que nous l'avons connu, a été conçu d’une manière différente des méthodes actuelles qui s’appuient sur la rigueur historique et architecturale. Si les frises, par exemple, étaient à peu près ajustées, il n’en était pas de même pour les colonnes qui pouvaient à la fois conjuguer des styles dorique et corinthien, preuve qu’elles avaient été assemblées pour produire un effet et non répondre à une réalité. L’ensemble, toutefois, était spectaculaire et respectable ! Etaient exposés des vestiges prestigieux qui devaient probablement se trouver sur le forum (différents édifices dont temples, etc). Des splendeurs, preuve que les tailleurs de pierre de Mediolanum, baptisée « la petite Rome », n’étaient pas des amateurs !

Les équipes de la société Bovis, encadrées par un spécialiste A. Quatreveau, sont chargées d’évacuer les gros blocs
Des assemblages spectaculaires, mais ne correspondant pas à la réalité de l'édifice initial !
A la fin du IIIe siècle, quand Mediolanum a été victime des premières invasions, la ville aux belles proportions s’est recroquevillée sur 16 hectares. Les remparts, alors édifiés pour la protéger, l’ont été avec les moyens du bord, c’est-à-dire les pierres que les habitants avaient sous la main. L’époque avait changé et le christianisme grandissant - avec la présence de Saint-Eutrope - commençait à chasser les dieux de l’Olympe. En conséquence, les témoignages du passé se sont retrouvés dans cette construction qui constituait une sorte de boucle (des quais à l'actuelle place du 11 novembre). Pour Bertrand Maratier, directeur du pôle archéologique de Saintes, « ces remparts servaient à la fois de protection, mais ils montraient aussi la puissance de la cité ».

Au XIXe siècle, des érudits ont estimé que ces témoignages devaient être valorisés. C’est alors que l’idée d’un musée a fait peu à peu son chemin, concrétisée dans les années 1930 par Charles Dangibeaud, conservateur. Après une certaine "errance", les éléments mis au jour lors des fouilles ont été exposés dans les anciens abattoirs réaménagés (ex-faïencerie). « De par sa grandeur à l'époque de Mediolanum, Saintes en Nouvelle Aquitaine possède une collection exceptionnelle » souligne l’archéologue. Un nouvel inventaire des pièces aura lieu prochainement, le dernier remontant à 1949…


Magnifique sculpture de l'époque flavienne
Du travail sur la planche !
• Au sujet du rempart, l'arc de Germanicus a été épargné !

Selon Louis Maurin, universitaire spécialiste de l'Antiquité et auteur de l'ouvrage "L'histoire de l'Aunis et de la Saintonge, des origines jusqu'à la fin du VIe siècle après J.C", « les matériaux du rempart provenaient en partie de la récupération de ruines éparses dans la ville qui ont du fournir des moellons calibrés pour les parements et informes pour le blocage. Cependant, si l'on découvre quotidiennement des murs  de construction romaine entièrement déchaussés, il est impossible d'attribuer une date à ces récupérations. Les parties construites en moellons de petit appareil de grands monuments comme l'amphithéâtre, les thermes de Saint-Saloine et de Saint-Vivien ont subsisté durant de longs siècles et, pour l'amphithéâtre, jusqu'à l'heure actuelle. Les blocs de soubassement semblent tous provenir d'une récupération systématique des parties de murs en grand appareil, mais aussi de dallages. Les matériaux n'ont pas manqué aux récupérateurs puisque, dans l'amphithéâtre, une partie des gradins et du parement en grand appareil ont été laissés sur place ».
L'historien s'interroge, par ailleurs, sur le sort réservé à l'arc de Germanicus, dont les blocs n'ont pas été utilisés pour le rempart. Sans doute faut-il voir à ce traitement l'attachement des habitants qui le considéraient comme « un bastion protecteur du passage de la Charente »...

 • Infos pratiques : 

- Dans un premier temps, chercheurs et étudiants devraient avoir accès à ces vestiges entreposés à la Trocante, ainsi qu’au public pour les Journées du Patrimoine.

- Quant à l’ancien musée lapidaire, compte-tenu de sa position stratégique sur la place Bassompierre, on peut imaginer plusieurs pistes une fois le bâtiment réparé. Un lieu de rendez-vous pour les peintres ou les photographes saintongeais, par exemple ?
 
Scènes de la vie quotidienne gravées sur un mausolée à l'époque de Mediolanum
Avis aux latinistes  !
Les travaux devraient s'étendre jusqu'en avril prochain

Bertrand Maratier, directeur du pôle archéologique, évoque le passé prestigieux de Mediolanum
Entre ombre et lumière, Mediolanum révèle ses beautés oubliées...
Photos © Nicole Bertin

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